III - LE CHIFFREMENT EN FRANCE


D'’abord un rappel de la façon dont la législation Française voit le chiffrement paraît intéressant.L’'article 28 de la loi n° 90-1170 déclare : " On entend par prestations de cryptologie toutes prestations visant à transformer à l'’aide de conventions secrètes des informations ou signaux clairs en informations ou signaux inintelligibles pour des tiers, ou à réaliser l’opération inverse, grâce à des moyens, matériels ou logiciels conçus à cet effet. "

Ensuite il convient de mettre en valeur que le chiffrement est fortement réglementé en France. Nul n'’a le droit chiffrer ses communications personnelles, puisqu’'il n'’y a pas une légalisation de l’'utilisation des moyens de chiffrement en France aujourd’'hui. Nul n'’a le droit de fournir, utiliser ou exporter des moyens ou des prestations de chiffrement sans autorisation préalable du SCSII (Service Central de la Sécurité des Systèmes d’'Information, organisme chargé d’'accorder ou non l’'utilisation de moyens de chiffrement à des tiers), toujours d’'après la Loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications. Pour obtenir une autorisation de cet organisme, il faut passer par des démarches administratives plus ou moins longues (un peu comme pour la déclaration de fichiers nominatifs avec la CNIL).

Des sanctions ont été prévues à l’'encontre des personnes qui ne respecteraient pas ces mesures :

Cette loi permet cependant une libre utilisation de moyens permettant uniquement l'’authentification. Il n'’y à alors pas d’obligation d'’autorisation préalable à la SCSII. C'’est le cas notamment des cartes à puces, qui contiennent souvent des moyens cryptographiques garantissant l’'identité du détenteur. Cette loi améliore donc les précédentes lois qui étaient plus restrictives en considérant toutes les prestations de cryptographie comme des armes militaires.

Il y a trois façons de gérer le chiffrement par les états. Le premier est la liberté totale : chacun a le droit de chiffrer ses messages et ses fichiers à sa guise. C’'est le cas d’'un certain nombre de pays démocratiques européens (Danemark, Autriche, Finlande). Le second est la liberté sur le territoire national : elle impose des restrictions à l'’exportation. C'’est notamment le cas des Etats-Unis, de l'’Allemagne, l’'Espagne ou encore l’'Angleterre. Enfin le régime d'’interdiction sauf autorisation spéciale. La France se trouve dans ce dernier cas (bien sûr le plus restrictif), en compagnie des régimes dictatoriaux comme l'’Irak. Il est vrai qu'’on a du mal à comprendre aujourd’'hui encore la position de la France sur ce domaine. D’'ailleurs, elle est source d'’un débat passionné entre défenseurs et opposants au chiffrement. Pour de plus amples informations sur qui sont ses opposants, qui sont ses défenseurs, quelles sont leurs motivations, nous vous recommandons encore une fois vivement la lecture de l’'article de Corinne Villemin à FreeNet/France Entreprises de Décembre 1996, particulièrement bien fait et complet.

Il existe cependant aussi un quatrième régime possible : celui du Tiers de confiance : il s'’agirait d’'obliger toute personne usant de la cryptographie à confier des copies de ses clés à un tiers (d’où son qualificatif de "confiance"), à qui s'’adressera la justice (voire la police) quand elle souhaitera accéder au contenu de nos échanges d'i’nformations.

La législation française, une des plus restrictives au monde comme nous venons de le voir, se dirige vers un certain assouplissement. La loi n°96-659 du 26 juillet 1996 modifie la législation sur l’'utilisation du chiffrement en France, et les décrets pris en 1997 vont dans ce sens. Cependant cette liberté est toute relative puisqu'’elle imposerait un tiers de confiance. Ce système n'’est pas sans poser un certain nombre de questions et problèmes. Pour de plus amples informations concernant les modifications liées à ces nouvelles lois, et au passage à un éventuel tiers de confiance, se référer aux deux articles suivant de Johannes Jbaagoe : " Cryptographie : les enjeux et l’état de la législation française " et " Télétravail et cryptologie en France ".

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Serge Delestan & Lionel Lejeune,
étudiants en dernière année D’'IUP MIAGE à Grenoble, Janvier 1998.